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La carte et les étoiles

Ici, la carte aérienne prend de l’altitude. Voilà que sa géométrie quitte le sol par la voie poétique des airs et de la peinture. Donner substance et vie à l’invisible, c’est garder le cap tout en perdant le Nord. Il faut du rêve pour s’échapper des configurations scientifiques d’une carte. Mais il faut de l’intuition pour atterrir sans peine sur les territoires de l’imaginaire. Boîtes en carton et papiers de soie sont parmi les agents de la métamorphose. Raluca Petricel isole sur la carte aérienne quelques espaces à conquérir. C’est ensuite que viennent ses transmutations. Les nouveaux chemins que proposent les œuvres en carton sont couturés. Les voies prises par les papiers que récupère l’artiste sont forcément tortueuses. Mais ce sont souvent les sentiers du détour qui nous remettent à l’endroit. Les chemins sont à suivre patiemment de fil en aiguilles. On croirait presque entendre la machine à coudre ronronner des antiennes. Celles qui transforment ces papiers colorés en lieux de tous les possibles. Les œuvres sont étranges car poétiques. Les papiers deviennent des pays insolites ou d’étranges constellations. Les traits couturés sont des labyrinthes qui dessinent de nouvelles contrées. Territoires aléatoires, leurs portées se lisent autant qu’elles s’imaginent. Quelquefois on croit voir des filets ou des toiles d’araignées. Mais c’est pour mieux nous prendre au jeu des interprétations. Tout le monde trouvera ce qu’il désire, et peut-être même un peu plus. On peut y trouver un peu de soi-même, dans cette volonté de deviner l’invisible dans le fragile. Il faut de la magie pour faire émerger du carton une carte du ciel. Un peu plus pour faire deviner le langage des étoiles.

Olivier Duquenne

Historien de l’art, Critique et Conférencier

Olivier Duquenne

Raluca Petricel réalise des œuvres sur papier, sur tissu, avec du fil, des peaux de fruits, comme pour recomposer le corps, pour lui donner une seconde vie. Des reliques qui commémorent les photographies du souvenir qui s’est effacé. Par son goût du fil – fil couture, fil de cheveux, fil de feutre de chat -, du tissage, de la broderie, ses œuvres s’habillent et alors le corps absent devient un corps présent.

La peau des fruits, pareille à la peau du corps, semble porter les coutures, les cicatrices qui guérissent. C’est conserver la peau pour préserver les souvenirs, même ceux oubliés.

Ses œuvres, sensibles et poétiques, touchent au plus intime. Elles posent un questionnement sur l’enfance, la disparition, le père, la mort et surtout l’absence. Dans une recherche d’une consolation, elle coud le patchwork de la mémoire et des émotions que l’on vit dans le silence. Que faire de cette absence et comment y survivre…

Raluca Petricel nous parle du temps qui passe, du temps qui est passé et du temps qu’il reste. Du corps qui n’est plus là et comment vivre un présent avec les fragments du passé.

Lina Vasapolli

Bibliothécaire (Arts visuels et plastiques)

Artiste nuddru c’è – Livre d’artiste

Enseignante Arts²

Lina Vasapolli

“La terre appartient à qui la cultive” – Jean Delval

Présenter Raluca Petricel et son travail- et plus particulièrement ce silence qu’elle interroge avant qu’elle nous le livre habité – relève d’un tour à l’envers du monde.

Pour elle qui n’en finit pas de voyager – qui n’en finira jamais -de traverser, de transpercer l’en-face pour se retrouver ” né à né ” avec l’autre recherché, convoqué, sorti de l’ombre… pas de répit.

Raluca voyage, les yeux grand ouverts, ceux du cœur surtout. Le souvenir se fait mémoire et elle sait y faire…son nom seul déjà nous éclaire, Raluca …Hanoucca…

Tout s’illumine!

Dessiner c’est déposer de la lumière et Raluca, sur le papier à-plat, nous fait rencontrer l’autre, oublié. D’un trait, sans artifice, elle l’amène à fleurir en un ciel étoilé.

Juste tendre les mains, des mains tendres…Raluca Petricel nous rend à nous mêmes!

Elle en aura soulevée des montagnes et si le poids de l’air – si j’ose dire -n’a plus de secret pour elle, seul, celui du sol qui porte ses pas, comme un voyeur sans âge, enfoui par le passé, par le présent enfui, la regarde se démener, se ” démone “.

Mais de vous à moi, elle s’en fout ou fait semblant car elle joue…et tout ce qui la touche, et tout ce qu’elle touche lui est prétexte.

Jeu…de lignes, de la main, d’horizons à venir…

Avec elle, le ciel est sur la terre, la terre en l’air et nous, sur le fil tendu de ses histoires, malades de n’en avoir plus… ou de les avoir oubliées.

Dans le silence de son atelier, seule, avec ce “autre” plaqué au sol qui l’accompagne dans chacun de ses gestes, elle nous livre- nous délivre -du reflet de nos vies tues.

Et d’endosser ce qui vient d’avant pour se vêtir de ce qui lui vient maintenant, telle Alice, le miroir traversé, elle signe de son nom, signe sa vie.

Le monde lui appartient!

 

Jean-Pierre Scouflaire

Peintre, Graveur

Jean-Pierre Scouflaire
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